Son investissement pour la sauvegarde d’espèces menacées de loups sauvages avait quelque peu détourné l’attention du public des qualités artistiques exceptionnelles de la plus célèbre des pianistes françaises. Hélène Grimaud, qui a repris son job full time sur les devants de la scène internationale, était à Bruxelles pour célébrer avec brio les 75 ans de l’ONB, dans une interprétation investie et passionnée du premier concerto de Brahms. Rencontre.
Elle a la grâce des figures romantiques et l’intensité de leur passion. Pianiste internationalement acclamée, écrivaine et femme de terrain, Hélène Grimaud module et harmonise ses talents sans fausse note. Visant l’excellence en toute chose et ne cédant pas au compromis, qui n’est « jamais bon en art », elle s’investit dans chaque dimension de son existence avec détermination et intégrité. A son palmarès : une carrière musicale précocement lancée dès l’adolescence, une reconnaissance instantanée, une fréquentation assidue des plus belles scènes mondiales, des collaborations prestigieuses et la grande fierté d’avoir fait reconnaître sa fondation pour la sauvegarde des loups sauvages par de grandes institutions en la matière. Hélène Grimaud ne fait peut-être pas l’unanimité, mais c’est incontestablement une femme hors normes. Si la presse fait généralement ses choux gras sur sa personnalité prétendument sauvage et mystérieuse, défiant le mythe, nous devons reconnaître à son abord qu’elle n’a absolument rien d’une diva hermétique, que du contraire. La simplicité de son accueil, sa disponibilité et sa chaleur humaine lui confèrent un surplus de charme inouï.
Choisie par l’Opéra National de Belgique
Elle nous dira bien que ce fut pour elle « un honneur d’avoir été choisie par Walter Weller et l’ONB pour la célébration de ce jubilé exceptionnel », que « Brahms, parmi tant d’autres compositeurs romantiques, font partie de son univers musical privilégié », ou encore : « si le récital est une forme que j’affectionne beaucoup pour la liberté qu’il procure, travailler avec un orchestre est une manière de conjurer la solitude de la vie de soliste, l’orchestre devenant, l’espace d’un moment, une « extended family… »
Son engagement
Au-delà de son quotidien musical, la part belle de notre conversation est donnée à sa fondation pour la préservation des loups sauvages, pour laquelle elle s’est investie pleinement, au détriment même de sa carrière. Pour elle, « cet animal, rencontré il y a plusieurs années au détour d’un hasard, souffre de sa mauvaise réputation, héritée de l’image véhiculée par l’église, ou les contes de notre enfance. Au fil du temps, j’ai développé une relation privilégiée avec les loups que nous hébergeons, maternelle. Ne pensez pas que je sois douée d’un sens particulier, non. J’ai bien sûr suivi une formation en éthologie et ne me permets pas d’enfreindre les codes de rapprochement qu’ils nous indiquent. » Aujourd’hui, sa Wolf Conservation Center, fondée en 1997 à South Salem, dans l’état de New York, est au premier plan pour la préservation et la réintégration en milieu naturel de cet animal, dont certaines espèces sont menacées d’extinction. L’artiste, qui de son propre aveu, a bien du mal à déléguer, peut se réinvestir pleinement dans sa vocation première. On a ainsi, entre autres, le plaisir de découvrir son dernier enregistrement chez « Deutsche Grammophon », consacré à Mozart. Un choix bien senti de ce qui compte parmi ses plus belles pages pour piano – dont le poignant deuxième mouvement de son concerto n°23 en A majeur K488, où se côtoient de belles envolées d’allégresse et toute la profondeur sensible et nostalgique d’un compositeur dont l’interprétation d’Hélène Grimaud nous fait sentir qu’il n’a pas fini de nous livrer ses secrets… « Pour moi, ce qui définit Mozart est cette grâce, cette absence de gravité. On y perçoit une profondeur sans poids. C’est ce qui le distingue des autres compositeurs… »
Hélène Grimaud – Mozart
Mojca Erdmann, kammerorchester des bayerischen rundfunks
Deutsche Grammophon, 2011
Wolf Conservation Center : http://www.nywolf.org